Né en 1908, Arménien catholique de Mardine , il rapporte que Mgr. Maloyan fut prévenu du danger, trois jours plus tôt. Il note les circonstances du massacre, l’Eucharistie et le martyre de son oncle le P. Gabriel Katmarji. Il est l’un des 25 témoins au procès diocésain de Mgr. Ignace Maloyan. Il fut interrogé par S. B. le Patriarche Ignace Pierre XVI Batanian des Arméniens catholiques, à Beyrouth, en 1966.
Q. Présentez-vous.
R. Gabriel Bedros, fils de Antoun et de Wardé Katmarji, né en 1908, Arménien catholique.
Q. Où étiez-vous pendant les déportations de Mardine et que savez-vous au sujet de Mgr. Maloyan et de ses compagnons, prêtres et fidèles ?
R. Je me rappelle que, tout en étant âgé de sept ans seulement, lorsque les événements commencèrent, je saisissais tout et je retenais tout ce qui se disait et se faisait devant moi.
Un jour, j’accompagnais ma mère qui allait remettre à mon oncle, le prêtre Gabriel Katmarji, une lettre arrivée d’un autre oncle qui se trouvait à Harran. Arrivés à l’évêché, nous nous trouvâmes en face de l’évêque Mgr. Maloyan et de mon oncle, le P. Katmarji. Ma mère remit la lettre à mon oncle qui, après l’avoir lue, la passa à Mgr. l’archevêque. Il y était dit à mon oncle prêtre : « Quoique vous fassiez, laissez tout de côté, et hâtez-vous de vous rendre à Alep pour éviter un grand malheur qui va arriver à Mardine ». Mgr. Maloyan, après avoir lu la lettre, dit à ma mère : « Votre frère de Harran était-il saoul en écrivant cette lettre ? » Il nous conseille de retourner chez nous et d’être tranquille.
Trois jours après, Mgr. Maloyan est convoqué au Sérail et est mis en prison avec presque tous ses prêtres et un bon nombre de fidèles. Certaines familles, à cette nouvelle de l’arrestation de l’évêque, ont senti venir l’heure du Seigneur, et commencèrent à se préparer pour aller à la rencontre du Seigneur, comme les sages femmes de l’Évangile. De ces familles, je me rappelle deux noms : les Djinandji et les Kaspo.
Quelques jours après, un ordre est émané interdisant à tout Chrétien de sortir dans les rues. On devait conduire Mgr. Maloyan et ceux qui étaient avec lui au supplice, près d’un village à mi-chemin entre Diarbakr et Mardine , appelé Kalaat Zirzawane. Arrivés là, l’évêque demande aux soldats de parler à ses fidèles. Il les encourage à mourir pour le Christ. Il se fait donner du pain qu’il consacre et distribue à ses compagnons.
Ces choses-là ont été racontées par les gens qui avaient accompagné le convoi, dont la famille de Ahmed Kasso Rachek, entre autres par Cheikh Bacho. Je les ai entendus de mes propres oreilles. Ils disaient : « Nous nous sommes demandés où avaient disparu ces gens ». Soudain une voix nous arrive : « Nous sommes ici, nous prions ».
Q. Est-ce qu’on a proposé à Mgr. Maloyan et à ses compagnons de renier leur Foi ?
R. Oui, et surtout à l’évêque qu’ils ont même qualifié d’entêté. Ils ont tué tous les prêtres et les fidèles et puis l’évêque, et ils les ont jetés dans un puits.
Q. Avez-vous autre chose à ajouter ?
R. Il ne restait à Mardine qu’un prêtre arménien catholique, le Père Gabriel Katmarji qu’on est allé arrêter à l’église S. Joseph, en lui laissant à peine le temps de terminer la messe. Après l’avoir emprisonné avec d’autres fidèles, parmi lesquels des Chaldéens, et d’autres prêtres syriaques, parmi lesquels Mgr. Joseph Rabbani, ils les ont déportés.
Mon oncle le prêtre portait des reliques, il les avala et donna le reliquaire, en forme de croix, à son frère, qui, sauvé à son tour, me l’a remis et que je conserve jusqu’à présent. Les bourreaux ont dit : « Nous allons sacrifier ce jeune prêtre comme une victime à l’occasion du mois de Ramadan ». Il fut exécuté, et les autres membres du convoi furent graciés. En mourant, le P. Gabriel récitait le Sanctus.