Né à Mardine en 1907, Arménien catholique, il eut son frère martyrisé avec Mgr. Maloyan et ses prêtres. Il raconte des détails du massacre recueillis auprès des musulmans. Il le béatifie sans réserve. Il est l’un des 25 témoins au procès diocésain de Mgr. Ignace Maloyan. Il fut interrogé par Mgr. Antranik Ayvazian, vicaire général de Kamichli des Arméniens catholiques, en 1986.
Je m’appelle Youssef Bachoura, né en 1907 à Mardine, de parents Arméniens catholiques. Mon père est mort en 1912. Je connais personnellement Mgr. Ignace Maloyan ; j’assistai à sa messe. C’était un grand évêque, très respecté, très estimé, même par les familles musulmanes. D’après moi, ce ne sont pas les Turcs qui ont fait les massacres, mais les Ottomans.
Le 5 juin 1915, on a arrêté Mgr. Maloyan et treize prêtres et cinq cent cinquante autres, dont mon frère Gabriel et un Syriaque catholique nommé Saïd Icho. On les a enfermés plusieurs jours dans une prison à Mardine où ils ont été torturés, y compris mon frère qui racontait cela à ma mère Karimé qui allait le voir en prison. Ils ont été arrêtés surtout parce qu’ils étaient Arméniens.
Après une dizaine de jours, on les a conduit en dehors de la ville, à l’endroit nommé Kalaat Zirzawane, sur le chemin de Diarbakr. Ils étaient en menottes par groupes de quatre. Arrivés là, Mgr. Maloyan demanda au chef de la milice un temps de répit qui lui a été accordé. Alors Mgr. Maloyan prit du pain et le bénit, exhortant ses ouailles et leur distribuant le Corps du Christ puis ils furent massacrés. Je ne sais pas comment ils ont été martyrisés. Toutefois on nous a dit que Mgr. Maloyan a été tué le dernier par les balles d’un fusil. C’est ce que j’ai entendu raconter par nos voisins musulmans lorsque je suis devenu plus âgé. Ces musulmans racontent aussi que pendant que Mgr. Maloyan distribuait le Corps du Christ, un feu, genre de lumière, descendit sur eux.
J’ai été sur la place de leur martyre au lendemain de la guerre, j’avais environ douze ans. J’ai vu leurs restes. Je jure que des personnes s’y sont même rendues pour des faveurs, et Dieu les a exaucées, entre autres des femmes stériles, dont une musulmane de Barnéchete, sont devenues enceintes ; des malades ont été guéris. On demandait l’intercession de ces gens morts pour le Christ.
Je suis sûr qu’on a pas fait de culte public à Mgr. Maloyan.
Q. Désirez-vous voir Mgr. Maloyan béatifié ?
R. Béatifié ? Il est béatifié et canonisé ; il est saint même avant que vous ne le déclariez saint. Mgr. Maloyan, en distribuant Corps du Christ à ses camarades, les a sauvés, leur a assuré le Royaume des Cieux. C’est pourquoi il est saint, lui et tous ses camarades.
Je n’ai rien à ajouter, ni à modifier.
Ce témoin, en relatant le martyre de Mgr. Maloyan ne pouvait retenir ses larmes, tellement il était impressionné et nous a rendus impressionnés.