Récits du martyre
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Récits des Arméniens
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Abdo Bezer

« Mémoires »

Abdo Hanna Bezer, Arménien catholique, est né à Tell-Armen, près de Mardine, en 1895,1 et mort à Kamichli-Syrie, en août 1989. Il avait près de 20 ans quand commencèrent les déportations et les massacres à Mardine. Il était membre du parti arménien, c’est pourquoi il fut arrêté 4 fois et libéré 4 fois, comme il l’affirme dans son Témoignage au Procès diocésain de Mgr. Maloyan.
Dans ses « Mémoires », il tient à citer ses sources d’information ainsi que les dates auxquelles il les a notées :
- Les geôliers de la prison où étaient entassés Mgr. Maloyan, P. Léonard et leurs compagnons : Nouri El-Ansari et Mohammad Cheikho Abbara (7 juin 1915, 1917)).
- Le médecin légiste qui a examiné la dépouille de Mgr. Maloyan et qui a rapporté ce qu’il a vu à Mgr. Tappouni (1915).
- Le soldat Abd-el-Aziz, fils du Moullah Mahmoud Garguira, membre de la Milice Khamsine, policier municipal à Tell-Armen, qui conduisait le convoi de P. Léonard (1915).
- Le soldat Youssef Ali Kanji qui a participé aux tortures de Hanna Chouha, prêtre chaldéen (1917).
- Le soldat kurde Darwiche du village de Abd-el-Imam où eut lieu le massacre du convoi des femmes de Mardine (1918).
De ce fait, ce document revêt une importance particulière et jette une lumière sur l’arrestation et le martyr du P. Léonard Melki.
Ecrites dans un style ancien, caractérisé par les répétitions, et un arabe plutôt proche du patois mardinien, ses « Mémoires » se divisent en 2 parties : la première est consacrée aux calamités des Arméniens et la seconde aux calamités des Syriaques catholiques. Le texte est trop long. Nous nous contenterons d’un extrait cohérent avec le sujet de ce site.
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Ordre de tuer


Khamsine, Dès leur arrivée, Mamdouh et son comité réunirent les notables de Mardine. Il leur parla du but de leur réunion et leur demanda de jurer de garder le secret absolu. Il leur montra des documents falsifiés : « Vous avez à consentir au massacre des Arméniens de Mardine et à témoigner que leurs jeunes gens et leur évêque Maloyan ont des contacts avec la France, l’Angleterre et la Russie qui leurs ont fourni des munitions de guerre, à savoir des fusils, des mitrailleuses et des explosifs ». De fait, tous jurèrent de ne point violer le secret. Après avoir terminé les délibérations avec les notables et obtenu tout ce qu’il voulait, il leur fit signer les procès-verbaux de ses demandes.

Après cela, le Comité revint à Diarbakr et présenta au Tribunal les documents relatifs au massacre. Le Tribunal approuva le massacre, le meurtre et la déportation des familles de Mardine sans pitié.

Les Turcs chargèrent Mamdouh Bey Koranli de revenir à Mardine avec entière liberté de commettre sans pitié autant de meurtres, de déportations et de dispersions qu’il voulait. Le Tribunal de Diarbakr lui en confia l’exécution. Il reçut les documents de sa nomination et s’en revint donc à Mardine, le 10 mai 1915.

Mamdouh, chef de la Police, demande une réunion avec les notables de la ville, qui lui avaient donné leur accord. Il leur apprit la manière de massacrer les Arméniens avec leur évêque Maloyan et leurs prêtres et de déporter les familles sans pitié ni compassion. Et demanda aux présents de n’épargner personne, ni ami, ni connaissance et de ne protéger personne. Il leur dit qu’il formerait une troupe de soldats nommés « Khamsine » et demanda : « Que chacun de vous, ayant des hommes sans pitié, cruels de cœur et iniques, les présente pour en former une troupe de soldats nommés “Khamsine” afin de massacrer les Arméniens, hommes et femmes, et de déporter les familles ».

La Milice Khamsine

Nous formons les soldats « Khamsine » équipés pour massacrer les chrétiens. Les chefs des soldats « Khamsine » sont : Cheikh Nour-el-Ansari, Taher-el-Ansari et Fouad Karadieh qui était chef de police des sus-mentionnés. Ils se considéraient amis et pieux, car ils étaient des cheikhs, distinguant le bien du mal. Ils ont ôté de leurs cœurs la miséricorde de Dieu, rendu un culte aux idées de Satan, et commis des actes désagréables à Dieu et toutes sortes de maux.

Malheur à vous !

Quel compte rendrez-vous à Dieu ? Car auparavant, vous vous considériez connaître la Parole de Dieu, les Saintes Ecritures qui sont l’Ancien Testament, l’Évangile et le Coran. Au nom de ces trois livres vous serez tous rejetés le jour du Seigneur !

En effet, les leaders de Mardine présentèrent leurs hommes qu’ils connaissaient être sans pitié, sans compassion et sans aucune crainte de Dieu. Ils étaient environ cinq cents. Le gouvernement les chargea de porter les armes à l’intérieur de la ville. Ils veillaient à ce que les hommes chrétiens ne sortent pas de la ville. Les chrétiens apprirent tout ce qui s’était passé. M. Raphaël Kandir, homme connu et estimé par eux a, de fait, assisté à la réunion. Ils ont gardé le secret, mais le bruit s’est quand même répandu. L’évêque Maloyan devina ce qui allait se passer.

Les leaders de Mardine qui s’étaient accordés pour massacrer les Arméniens les rassuraient chaque jour en amis et leur disaient : « Nous sommes frères d’un même sang et de la même terre, ne vous inquiétez pas ».

Premières arrestations des chrétiens de Mardine

Tout d’abord, Mamdouh Bey occupa les maisons de M. Younan. Il en fit sa résidence et un poste permanent pour les soldats khamsine Taradja. Le 15 mai 1915, il ordonna d’arrêter Samo Set-el-Ekhwé, Samo Handjo, Samo Mercho, Ibri Djarma et Hanna Ammoun et leurs compagnons, environ dix-sept personnes. On les arrêta et les emprisonna à l’église des pères latins.

Les Djénandji, Raphaël, Kandir et les autres sacrifièrent « le cher et le peu cher » pour sauver les prisonniers ; les leaders de Mardine revoyaient, de bon gré, leurs amis chrétiens et leur rappelaient l’année 1895 : « Comment, disaient-ils, nous avons empêché toute agression contre vous, ne vous inquiétez pas. Nous ne tolérerons aucune agression contre vous ».

Mais, en fait, ceux qui rassuraient les Chrétiens étaient ceux-là même qui cherchaient à les exterminer et qui assistèrent à la réunion tenue par Mamdouh. Ils s’accordèrent au sujet de ce désastre, mais n’en montrèrent rien. Pour libérer les prisonniers, ils touchèrent des Djénandji et de leurs compagnons la somme de cinq cents livres or. Chaque jour ils promettaient leur libération pour le lendemain. Ce n’était qu’un mensonge et duperie : « Ainsi, disaient-ils, c’est la sécurité et la paix, nous sommes avec vous, ne vous inquiétez pas. Vous savez qu’en 1895, quand eut lieu le massacre des Arméniens à Diarbakr et ailleurs, nous avons, grâce à Dieu, rempli les devoirs de l’amitié et de la charité, et nous avons empêché toute agression contre vous, et rien n’a eu lieu dans notre ville ; et maintenant, nous nous engageons, par l’amitié et par votre amour pour tous les musulmans, à vous protéger ; ne vous inquiétez pas ».

Adieux de Mgr. Maloyan à Mgr. Tappouni

Le 3 juin 1915, au matin de la Fête-Dieu, il est allé chez son frère dans la foi, Mgr. l’Évêque Gabriel. La première parole de Maloyan fut : « Adieu, mon frère, un adieu fraternel dans la foi en le Christ, c’est mon dernier regard, le temps est précieux. Je vous confie les fils de la communauté pour en être le pasteur dans le Christ, et ce jusqu’à ce que Dieu donne la délivrance ». Il termina l’entrevue ; ils s’embrassèrent en se donnant le baiser fraternel. Au moment de la séparation, il dit : « Priez pour nous, nous serons martyrisés et nous sommes innocents ».

Après les adieux, Maloyan se dirigea vers l’église Sourp Kévork (S. Georges) que le peuple appelle « sekorek ». Il fut arrêté ce jour là.

Arrestation de Mgr. Maloyan, des prêtres et des laïcs

Le 3 juin 1915 : Arrestation de l’Évêque Ignace Amsih Maloyan avec les prêtres qui sont : Der Wanés Sarké, Der Lévon Nazarian, Der Arsène Batani, Der Ishak Holoso, Der Ohannés Terzibachi (tué après à Deir-Ezzour), Der Meguerditch Kalioundji, Der Antoun Ahmaranian, Der Vartan Neâmo, Der Stépan, Der Andraos Khabbaz, Der Arsène Adam et Der Wardi. On les a atrocement torturés par toutes sortes de supplices, et on les cautérisa par le feu.

Le 3 juin, le sanguinaire Mamdouh envoya ses soldats pour arrêter l’Évêque Maloyan et les prêtres. Il les a immédiatement jetés dans une prison qui leur était destinée. On arrêta ensuite les chrétiens, hommes adultes et enfants qui se trouvaient dans les marchés, les maisons et les rues. L’armée s’appelait « Les soldats Khamsine », elle était composée de gens de la ville. Les soldats s’étaient engagés à exécuter sans pitié les ordres de l’inique Mamdouh.

Ils arrêtèrent des gens du peuple. L’ami ne reconnaissait point son ami, on oublia tout bienfait, et on adora Satan. En quatre jours, on jeta en prison environ cinq cents personnes, dont 10% n’étaient pas Arméniens, et l’Évêque Maloyan avec douze prêtres dont quatre étaient Syriaques catholiques.

Torture

Après l’arrestation des gens du peuple, de l’évêque et des prêtres, vinrent les tortures, sans pitié ni compassion. On les battait cruellement, de manière inimaginable. Le sang coulait à flots de leur corps. On infligea des supplices atroces, surtout à l’évêque et aux prêtres, qui avaient une chambre spéciale, celle « de la torture ». Tous les détenus furent atrocement torturés tout au long de leur séjour en prison.

Entassés dans des chambres infectes, portes et fenêtres fermées, battus sur la plante des pieds, suspendus la tête en bas, basculés de haut en bas d’escaliers, cautérisés au fer rouge, ongles des mains et des pieds arrachés, ils sont sommés de révéler les prétendues caches d’armes et acculés à payer une rançon ou à apostasier. Tous fermement s’y refusent en dignes confesseurs de la foi.

Notons que nous avions déjà rapporté la liste des noms des dix-huit personnes arrêtées à la mi-mai. Les gens du peuple qu’on arrêtait étaient réunis avec le reste des prisonniers, dont l’évêque et les prêtres.

Interrogatoire de Mgr. Maloyan

L’inique Mamdouh convoqua, en une chambre spéciale, Maloyan, en présence de quelques notables de Mardine. À son arrivée, l’évêque Maloyan avait les mains et les pieds liés par des chaînes en fer.

La première parole de l’inique et traître Mamdouh fut : « Je veux que tu montres les armes reçues de ta mère la France, de ton oncle paternel la Grande Bretagne, de ton oncle maternel la Russie, et ne nie rien ». Le martyr Maloyan déclara : « Il n’existe rien de ce que tu mentionnes, jamais rien. Nous n’avons de relations avec quiconque autre que notre Gouvernement dont nous sommes de la terre. Voici nos certificats donnés par les Rois Ottomans. Nous ne reconnaissons d’autre gouvernement que le nôtre, ni d’autre patrie. Ce que vous nous imputez à mon peuple et moi n’est pas juste et Dieu n’accepte pas le faux ».

Sur le champ, Cheikh Nour-el-Ansari déclara : « Il ne te sert à rien de nier. Je sais que tu as reçu des armes, à savoir des mitrailleuses et des explosifs pour nous combattre. Je te demande de dire la vérité et ne pas nier. Où les as-tu cachées » ?

Maloyan répondit : « Il est impossible que j’aie quelque chose de ce que vous avez imputé à moi et à ma communauté. Ce n’est pas vrai. Nous sommes soumis à notre gouvernement. C’est ça la vérité, et la preuve est que le Sultan Rachad m’a honoré par une décoration et par un certificat de loyauté et de dévouement pour notre patrie ».

Ceci excita la grande colère de Mamdouh l’inique qui le jeta par terre, le battit sans pitié et le tortura atrocement devant les présents qui étaient des notables de Mardine. Le sang coulait de tout son corps et il était patient. Ensuite il le livra aux soldats qu’il avait préparés pour massacrer sans pitié, et leur dit : « Emmenez-le à la chambre des tortures et torturez-le atrocement, sans pitié. Et ensuite conduisez-le à la prison ».

De même, ils torturèrent les prêtres, leur demandant de renier la foi. Ceux-ci furent fermes dans leur fidélité au Christ et les iniques en furent déçus. Tous les prisonniers pâtirent des souffrances de toutes sortes, inimaginables, celles de la mort. 

Sournoise proposition

Suite à cela, le 6 juin, on convoqua six prisonniers qui sont : Samo Set-el-Ekhwé, Samo Handjo, Samo Mercho, Ibri Djarmak et Hanna Ammoun, à une chambre spéciale, en présence de l’inique Mamdouh et des notables de la ville, comme Kheder Halabi Koufali, Fouad Karadjé, Nouri el-Ansari et autres semblables.

Quand ils arrivèrent, les prisonniers étaient liés par des chaînes en fer. Lorsqu’ils furent devant lui, l’inique Mamdouh Koranli délia leurs mains et leur offrit des chaises et leur dit : « Par Dieu et au nom du Gouvernement, nous vous promettons que vous serez, vous et vos enfants grands et petits sains et saufs dans vos maisons. Je vous demande de témoigner que Maloyan a reçu des armes de guerre, à savoir des mitrailleuses, de la poudre et des explosifs pour soulever une révolution et combattre le gouvernement. Pour la seconde fois, nous vous promettons, par l’honneur de Dieu et celui du gouvernement et le nôtre, que vous serez saufs et libres dans vos maisons. Mais si vous ne faites pas ce que nous vous avons dit, nous vous infligerons les plus cruelles tortures ».

Les témoins, d’une seule voix, déclarèrent : « Nous acceptons les plus cruels supplices, mais nous ne donnerons pas un faux témoignage, car Dieu interdit le faux. Nous acceptons la mort mais nous ne donnerons pas un faux et injuste témoignage ».

L’inique Mamdouh et Taher-el-Ansari répétèrent : « Nous vous disons que, au nom du gouvernement, par l’honneur de Dieu et celui des présents, nous vous promettons que nous vous lâcherons et que vous serez libres dans vos maisons ». Les témoins répondirent : « Nous avons dit et disons que nous n’en avons aucune connaissance ».

Ayant été déçus dans leurs espoirs, et devant le refus des prisonniers de témoigner, les iniques ramenèrent ces derniers à la chambre des tortures, et les livrèrent aux soldats, avec l’ordre de les torturer le plus cruellement, sans pitié et sans compassion. Et de fait les soldats les torturèrent ainsi.

Premières victimes

Cette nuit-là, après minuit, Mamdouh ordonna à six soldats khamsines qui s’étaient préparés pour massacrer les chrétiens : « Liez-les par des chaînes et emmenez-les au lieu du massacre des chrétiens par le revolver, au sud de la ville, près de l’église S. Michel, en dehors de la ville ». De fait, ils furent fusillés et rendirent leur âme à Dieu. Ce sont : Samo Set-el-Ekhwé, Samo Handjo, Samo Mercho,  Ibri Djarma et Hanna Ammoun.

Suite à la déception d’obtenir leurs aveux, les iniques informèrent les prisonniers qu’il leur sera donné de l’argent et des habits car l’ordre de les déporter à Diarbakr a été donné.

Ces informations sont fournies à l’auteur Abdo Hanna Bezer, né en 1895, par Mohammad Chilemno Abara, contrôleur de la prison affectée à l’évêque et ses quelques cinq cents hommes.

Déportation de Mgr. Maloyan et des chrétiens de Mardine

Le 10 juin, le crieur lançait dans la ville : « Il est interdit à quiconque de regarder par la terrasse, la porte ou la fenêtre à partir du coucher du soleil, et de circuler en ville, depuis minuit jusqu’au matin. Le contrevenant sera fusillé ».

On a lié par des chaînes les mains d’Ignace Maloyan, des prêtres et des gens du peuple, qui étaient cinq cents, après les avoir fait sortir de la prison, rang par rang, quatre par quatre. Maloyan et les prêtres étaient au premier rang. C’est ainsi que leur déportation eut lieu, comme des moutons emmenés à l’abattoir.

Après minuit, la déportation commença sous la garde de cent cinquante soldats affectés au massacre. En traversant la ville, on les battait cruellement et on injuriait la religion. Par les fenêtres, quelques chrétiens ont vu ce qui se passait dans les rues, depuis la prison et jusqu’en dehors de la ville ; la déportation emprunta la route de Diarbakr.

Le premier lot de martyrs

À cet endroit, le convoi avait perdu cent personnes, enchaînées par les fers, on les éloigna de la voie publique à une vallée. On les fouilla et on s’empara de leurs habits et de ce qu’ils portaient. Les ayant dépouillés de leur argent, habits et autres, on les rassembla en un seul groupe. Le chef de l’exécution fit signe aux soldats : « Soyez prêts, et au signal donné, tirez le feu sur eux ». Peu après, il fit signe de tirer et les iniques exécutèrent l’ordre. Tous, jusqu’au dernier, furent tués martyrs.

Exécution de Mgr. Maloyan

Au retour des soldats, les chrétiens qui étaient avec Maloyan vurent les vêtements des gens du peuple entre leurs mains. Maloyan sut que le moment est arrivé.

Immédiatement, il demanda au chef de l’exécution de lui accorder seulement une demi-heure et le pria de lui donner deux pains. Le chef daigna donner les pains à Maloyan qui les prit, les bénit et dit au peuple : « Le moment du martyre est arrivé, agenouillez-vous et priez ». Il prit les pains et dit : « Ceci est le corps et le sang du Christ ». Il les donna au peuple au nom du Christ et dit : « Soyez prêts, nous serons des martyrs ». Ayant accompli le devoir, Maloyan dit au chef : « Fais ce que tu veux, nous sommes innocents de ce que vous nous avez imputé. Si Dieu veut, nous serons des martyrs. J’ai accompli les devoirs ».

C’était à l’endroit nommé « Mont Cheikhane ». À ce même endroit, le chef donna le signal à ses soldats de tirer et de tuer Maloyan et les prêtres. Ils furent tués à la citadelle Zirzawane, dite puits des Romains. C’est là que furent tués Maloyan, les prêtres et le peuple, jusqu’au dernier, environ cinq cents personnes. Les prêtres étaient douze Arméniens catholiques et quatre Syriens catholiques.

On apprit leur massacre jusqu’au dernier, après le retour. Les chrétiens ont vu les habits de leurs hommes et de leurs enfants entre les mains des soldats. Quelques Chrétiens ont eu de vraies informations sur leur martyre.

Constat de mort

Le médecin légiste a rapporté à son ami Gabriel Tappouni, évêque de la communauté syrienne catholique, le meurtre du Martyr Maloyan : « Il a vu Maloyan tué par deux balles, à la tête et à la poitrine. Un rayon blanc, de forme étrange, paraissait sur ses cheveux et son corps était de couleur verte ».

Un autre témoin fut un des soldats khamsine qui était auparavant l’huissier de la municipalité à Tell-Armen. Il rapporta le massacre du convoi. Le témoin qui a vu le cadavre de Maloyan déclara : « J’ai regardé son cadavre, il paraissait comme endormi et la couleur de son corps était verte ». Plusieurs autres soldats vurent cela et le répétèrent toujours. Ces témoins étaient Abd-el-Aziz, fils du Moullah Mahmoud ainsi que d’autres témoins.

Deuxième convoi

Après le retour des iniques soldats à Mardine, l’inique Mamdouh ordonna d’arrêter l’ensemble des chrétiens. De fait les soldats déclarèrent l’arrestation de l’ensemble des chrétiens, Arméniens et Syriaques catholiques et Chaldéens. En huit jours ils arrêtèrent environ six cents personnes, y compris les prêtres et les jetèrent dans la prison affectée aux chrétiens où ils subirent toutes sortes de tortures et les souffrances de la mort. Le sang coulait comme de l’eau de leurs corps. La chambre s’appelait « la chambre des tortures sans pitié et sans compassion ».

Parmi les prisonniers se trouvaient des prêtres arméniens et syriaques. Les iniques les maltraitaient affreusement en les battant et les violentant et par d’autres manières. Lorsque leur nombre atteignit les six cents, les chrétiens furent, dès minuit, déportés, attachés par des chaînes et des cordes, quatre à quatre, et par rangs, comme des moutons emmenés à l’abattoir des iniques qui ont ôté de leur cœur toute miséricorde de Dieu et qui ont commis toute mauvaise action, infligeant des souffrances plus amères que la mort.

À minuit, on les enchaîna par quatre, et par rangs, les prêtres étant au premier. On avait cette nuit là, interdit la circulation. Personne ne pouvait regarder par la terrasse, la porte, la fenêtre ou la rue. Dès minuit, on les déporta par la route de Diarbakr.

On les tortura atrocement et on en tua par le revolver. À leur arrivée à l’endroit nommé Cheikhane où on avait massacré Maloyan et des gens de son peuple, et avant que le chef de la déportation, chargé par l’inique et les iniques de faire ce qu’il voulait, ne donnat l’ordre de massacrer et d’exécuter, il vit des soldats cavaliers se diriger vers le convoi. À leur arrivée, les cavaliers furent reçus par le chef du convoi qui avait eu de la part de son gouvernement la pleine liberté de massacrer comme bon lui semble. Les cavaliers étaient expédiés par les supérieurs de Diarbakr pour empêcher le massacre du convoi et le ramener sain et sauf à la prison de Mardine, affectée seulement aux chrétiens.

Arrêtez le massacre

Le chef reçut les ordres d’empêcher le massacre et de retourner à Mardine. Dieu a mis la pitié dans le cœur du chef du convoi qui, effectivement, rassembla ses soldats et empêcha tout meurtre et toute torture. Le contrevenant serait tué, conformément aux ordres des chefs de la guerre.

En effet, il respecta les ordres et ramena le convoi après en avoir massacré environ cinquante personnes. Le convoi et les prêtres retournèrent saufs à Mardine. Tous furent emprisonnés. En un jour, on en libéra ceux qui étaient Syriaques orthodoxe, Syriaques catholiques, Chaldéens et Protestants ; les Arméniens restèrent en prison.

Ensuite, les soldats Khamsines circulèrent dans les rues et parmi les maisons annonçant l’arrestation des Arméniens restants. On arrêta au total près de six cent personnes, adultes, enfants, malades, boiteux et aveugles, tous uniquement des mardiniotes. On les déporta vers l’est de Mardine, à dix kilomètres où ils furent torturés cruellement. Les Kurdes ont su comment le chef chargé du massacre les avait tués, ce dernier leur livrait les hommes à exécuter par groupe de cinquante. Les soldats Khamsines et les kurdes les tuèrent et les enterrérent tous jusqu’au dernier.

1 C’est la date qu’il a avancée au Procès diocésain de Mgr. Maloyan tenu en 1986. Au début de ses « Mémoires » il avance la date de 1883, et quelques pages plus loin, il dit qu’il est né en 1893 ? !

2 P. Victor Mistrih ofm. a recueilli, annoté, édité, publié le texte arabe au complet avec seulement un résumé en français dans Studia Orientalia Christiana, Collectanea, No. 29-30, Franciscan Centre of Christian Oriental Studies, Le Caire, 1998, p. 59-190. Le texte reproduit ici n’est pas le résumé de P. Mistrih, qui couvre toute la période des massacres et le sort de tous les convois. Nous nous sommes limités à la partie qui jette une lumière sur l’arrestation de Mgr. Maloyan et de son convoi, qui se trouve dans les pages 75 à 91 des Collectanea. Et, au lieu du résumé fait par P. Mistrih, nous avons fait une traduction complète.

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...et, une fois de plus, la bure franciscaine fut teinte du sang des martyrs...
LeonardMelki
© Farés Melki 2013