Biographie
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Où sont les restes des martyrs ?

Des cadavres de déportés laissés dans la plaine
Des cadavres de déportés laissés dans la plaine


Rachid Bey, Wali de Diarbakr, médecin fanatique, brutal et sans scrupules, reçut, le 14 juillet 1915, un télégramme de Jamal Pacha qui dit : « Puisque les corps dispersés au sud de l'Euphrate sont très probablement ceux d'Arméniens qui ont été tués au cours de leurs opérations rebelles, ils doivent être enterrés dans les lieux où ils ont été découverts, leurs restes ne doivent pas être laissés exposés à la vue des passants ».

Rachid répondit ainsi : « Il est probable que ces corps dispersés appartiennent à des personnes venues d'Erzéroum et de Maamouret-el-Aziz. Les corps de ceux qui ont été tués au cours des opérations de rébellion qui ont eu lieu ici ont été, soit laissés se décomposer au soleil, soit jetés dans des grottes profondes, soit, comme d'habitude, brûlés de la manière qui a été utilisée pour la plupart d'entre eux ».

La présence de cadavres flottant à la surface de l'Euphrate ou exposés sur les routes a posé un problème majeur au gouvernement, car ils étaient susceptibles d'être photographiés par les passants, notamment les officiers allemands et autrichiens qui servaient dans les forces ottomanes, et qui envoyaient des rapports et des photos à leur gouvernement. Puisque ces gouvernements demandaient des explications aux responsables ottomans, ils ont tous cherché à cacher leurs crimes sous terre . 1

Une colline de crânes de déportés
Une colline de crânes de déportés


Ce fut vraisemblablement le sort du convoi de Mgr. Maloyan et du P. Léonard. Mais il nous reste de savoir le lieu exact de la mort de Mgr. Maloyan et du P. Léonard, sur la route entre Mardine et Diarbakr : 

- Est-ce à Kara-Keupru, à 3 heures de Diarbakr, où Mamdouh Bey a exécuté Mgr. Maloyan ? 2

- Est-ce dans les grottes de Cheikhan, village kurde situé à 6 heures de Mardine ? 3

- Est-ce dans les citernes de la citadelle « Kalaat Zirzawane » près de Cheikhan ? 4

- Est-ce dans les célèbres grottes de Dara, situées à une journée de Mardine. P. Rhétoré s’attarde à décrire ce site :

…On les conduisit à Dara, à une journée de Mardine. Dara, l’ancienne ville fondée par le roi de Perse Darius, n’est plus aujourd’hui qu’un mauvais village perdu au milieu des ruines de l’ancienne cité. Sous ces ruines et dans les alentours sont d’immenses citernes qui servaient de réservoirs ou peut-être de prisons dans la ville primitive. Les massacreurs turcs trouvèrent ces citernes fort bien adaptées pour y faire disparaître leurs victimes et Dieu seul sait les milliers qu’ils y précipitèrent. Un mot « Je suis musulman » aurait pu sauver ces hommes de la mort. Aucun d’eux ne dit ce mot, et ils moururent en Chrétiens… Après avoir été égorgés, assommés, percés de Khandjar (poignard), ils furent précipités dans les citernes de Dara où leurs massacreurs crurent aussi avoir enseveli leur crime . 5

Non ! Les Martyrs ne seront pas oubliés. Honneur à Mgr. Ignace Maloyan, Honneur aussi au P. Léonard : si nous avons perdu l’espoir de reprendre un jour leurs restes sacrés et les vénérer, gardons du moins leur nom et le récit de leur fin héroïque, dans le reliquaire de l’histoire sainte de l’Eglise, comme modèle de sacrifice et d’amour jusqu’à l’extrême.

1   Taner Akçam, Killing orders , traduit de l’anglais en arabe, Aouamer el qatl , Dar alfarabi, Beyrouth, 2019, p. 257.

2   Hyacinthe Simon, Mardine  la ville héroïque , p. 67.

3   Hyacinthe Simon, Mardine la ville héroïque , p. 66.

4   Hyacinthe Simon, Mardine la ville héroïque , p. 66 ; Ishac Armalé, Al-Qouçara fi nakabat annaçara , p. 196 ; Abdo Bezer, Mémoires.

5   Jacques Rhétoré,  Les Chrétiens aux bêtes , Cerf, Paris, 2005, p. 81.

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...et, une fois de plus, la bure franciscaine fut teinte du sang des martyrs...
LeonardMelki
© Farés Melki 2013