Récits du martyre | Lettres P. Thomas Saleh
Au P. Général janvier 1908
Dans son rapport annuel, rédigé en latin et envoyé au Père Général Bernard d'Andermatt à Rome, le Père Thomas rend compte de son apostolat auprès des Protestants et se plaint du comportement du supérieur qui refuse d’accepter les « hérétiques » qui veulent se joindre à l’Eglise catholique.
Mardine, le 16 janvier 1908
Révérendissime Père
L’année dernière, j’avais écrit une lettre à Votre Paternité pour vous présenter mes salutations et mon ministère.
Maintenant aussi, j’écris à Votre Paternité à l’occasion de l’année nouvelle. J’ai été poussé à le faire par le Statut des Missions et par mon travail en ce lieu-ci, bien que je ne sois pas le Supérieur.
C’est donc librement et fidèlement que je me suis armé de la parole du Sage pour repousser une honte inutile et rejeter un silence dommageable, car j’ai vu que la raison d’écrire cette lettre était tellement légitime et tellement sainte que je me serais cru pécher si je me taisais, estimant qu’étaient adressées à moi ces paroles de l’Écriture : « Il y a un temps pour se taire, et un temps pour parler » ; et encore « Ne retiens pas la parole dans le temps du salut » ; et cette parole de saint Pierre : « Soyez toujours prêts à satisfaire quiconque vous demande votre témoignage ». Demandez donc avec sollicitude et violence, demandez disent les Statuts pour que les affaires de la Mission vous soient connues.
Nous qui sommes engagés dans le ministère, nous sommes ballottés par des flots variés et nous supportons les molestations des musulmans et des hérétiques. Et pourtant nous jouissons, dans le pays des Turcs, d’une liberté plus grande que dans les pays catholiques du monde qui se glorifient du progrès moderne car sont parvenus jusqu’à nous les nouvelles des combats et des persécutions que des fils ingrats remuent contre l’Église. Mais nous avons foi en Celui qui a dit : « Ayez confiance, moi j’ai vaincu le monde ». Avec Sa grâce et Sa protection, nous obtiendrons la victoire contre l’ennemi diabolique et ses suppôts.
Après ce préambule, je vais essayer d’exposer ce qui mérite d’être noté. On trouve, à Mardine, une secte américaine de Protestants qui, par son travail, son discours et surtout par l’argent de l’iniquité essaie de s’attirer les esprits des hommes. Mais maintenant les Protestants sont divisés. Parmi eux, certains optent pour insérer dans leur secte des dogmes qui sont chez les catholiques. Ils ont un grand désir de célébrer plusieurs fêtes, de vénérer des images, de s’approcher des prêtres et d’autres choses comme des sept sacrements. Quoi de plus ? Mais ils en sont empêchés et plusieurs se sont retirés. Plusieurs mêmes parmi eux pensent entrer dans le sein de l’Église, du moment que ce que les protestants veulent rénover se trouve dans l’Église Romaine.
Je prie donc pour que nous ayons la paix que le Seigneur nous a laissée (c’est mon désir). Que le Christ fortifie leurs âmes défaillantes et nous donne la concorde avec eux, parce que s’est levée la vieille fureur entre ces peuples et que la tunique sans couture s’est, de plus en plus, déchirée.
Ainsi, un certain Jacques [Jacques Baradaï, d’où le nom de Jacobites] avec ses suppôts, s’est séparé des Syriens et est tombé dans l’hérésie et donc dans leur mutuelle perdition.
En Occident, le soleil de justice se lève : c’est le Pontife. Mais en Orient, ce même Lucifer qui était tombé, a posé sur les étoiles son trône : L’hérésie ! L’hérésie des Jacobites s’appuyait, de même que les autres hérésies, sur l’ignorance et les préjugés, spécialement contre l’Église Apostolique Romaine. Mais maintenant, ils ouvrent vers la Foi, leurs yeux obscurcis, soit en discutant avec les catholiques, soit en lisant leurs livres. C’est pourquoi ils viennent chez nous pour être reçu dans le sein de l’Église. Mais le supérieur de l’hospice de Mardine leur claque la porte au visage, parce qu’il ne veut pas être dérangé, ni porter le poids de leur dérangement. Il les envoie toujours à d’autres rites, bien qu’ils y trouvent difficulté et qu’ils ne souhaitent absolument pas et ne veulent pas adhérer aux autres rites, disant même, presque tous : ou chez nous, c’est-à-dire les latins, ou bien nous resterons dans notre hérésie. Certainement, s’il les acceptait, sauf meilleur jugement, après peu d’années, ils seront tous catholiques. Je vous en dirai davantage en temps opportun.
Que le Christ Seigneur vous garde sain et sauf. Souvenez-vous de moi dans vos prières.
Révérend Père en Saint François
fr. Thomas de Baabdath
Missionnaire Apostolique Capucin
MANUSCRIT
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