Récits du martyre
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Lettres P. Thomas Saleh
Cross

Au P. Général 1910

Dans son rapport annuel, rédigé en italien et envoyé à Rome, au Père Général Pacifico de Sejano, le Père Thomas présente son nouveau poste à Diarbakr et la situation sociale dans la ville et obéi à sa mutation sans y être convaincu.

Diarbakr, décembre 1910

Révérendissime Père Général

Conformément aux bons usages, je viens vous souhaiter les fêtes de Noël et du Nouvel An. Que ces fêtes glorieuses soient une source féconde des grâces célestes les plus élevées. Que le bon Dieu qui donne tout bien vous comble des plus précieuses faveurs, pour sa plus grande gloire et pour l’édification de notre Ordre, pour de nombreuses et heureuses années.

Je vous écris cette année de Diarbakr. Il y a un peu plus d’un mois que je me trouve dans cette station de la Mission. Je me trouvais d’abord à Kharpout où je suis resté deux ans. Le RP Ange, Supérieur de cette Mission, a jugé mieux de m’envoyer à Diarbakr. Que soit faite la volonté de Dieu.

Cette Mission semble encore en formation, pourtant vous me permettrez de dire deux paroles (d’après l’idée que je me suis formée) sur son état actuel. Elle compte six stations : trois en Mésopotamie où l’on parle le turc, l’arménien et l’arabe, à l’exception de Mardine, où l’on parle exclusivement l’arabe ; et trois en Arménie, où le turc et l’arménien sont en usage.

Les Pères sont 17 dont 10 de la Province de Lyon. Toutefois le ministère se trouve fait, presque en entier, par les étrangers, c'est-à-dire ceux qui n’appartiennent pas à la Province de Lyon. On pourrait faire du bien plus que celui qui se fait. D’après certains, la raison pour laquelle peu de bien se fait, est la rareté et le manque des moyens matériels. Selon moi et d’autres, les fonds sont suffisants, mais il manque une bonne organisation et une bonne administration. De fait à présent, on reçoit des secours plus d’une fois, et avec tout cela, le déficit et les dettes s’accumulent toujours plus, d’une année à l’autre, sans qu’on puisse donner une raison, ni du déficit ni du pourquoi. Espérons que le nouveau Supérieur fera mieux et ainsi la Mission prospérera. Je ne suis ni le Supérieur, ni le Discret, toutefois j’ai jugé qu’il était bien de le dire à Votre Paternité révérendissime, bien que Vous soyez mieux informé par d’autres.

Maintenant, en ce qui me concerne personnellement : en arrivant dans la Mission et connaissant l’arabe, j’ai été envoyé à Mardine. Là j’ai commencé aussitôt à m’appliquer au ministère selon mes forces. Après deux ans et trois mois de résidence, voici que les Supérieurs me destinent à Kharpout pour envoyer à ma place d’autres qui savaient l’arménien et le turc, mais point l’arabe. Moi donc, ne sachant ni le turc ni l’arménien (car ces deux langues sont parlées à Kharpout) j’ai été comme paralysé. Alors, je me suis mis au turc et je dois le dire avec tristesse, sans un professeur…

Peu importe,  j’ai fait ce que je pouvais faire seul. Mais voilà qu’à peine j’ai commencé à me débrouiller en langue turque, on me destine à Diarbakr. Enfin, soyez absolument sûr que je ne dis pas cela par dépit ou déplaisir, ni pour accuser ou murmurer contre mes Supérieurs, car je suis persuadé que leur volonté est la volonté ou la permission de Dieu.

Deux mots sur la population en général. La liberté donnée par le gouvernement turc à son peuple est devenue un poison. Le peuple n’était pas préparé à comprendre et à recevoir la liberté proclamée. Comme elle l’a été donnée à l’improviste, elle aurait dû être un progrès pour cette population ; ce fut pour elle un grand malheur. Les conditions ambiantes, tant physiques que morales, de la vie et de l’éducation, ne la prédisposaient pas à la recevoir. Pour cela, les chrétiens enthousiasmés vont tomber victimes de leurs libertés. Ils forment des clubs et sans aucun scrupule s’enlisent dans l’athéisme et par conséquence dans l’immoralité. Dans leurs réunions, ils prédisent l’extermination des prêtres et mille autres extravagances. Ils ont formé dix commandements qui sont de fait opposés à ceux de Dieu.

Excusez-moi si j’ai dit tant de choses et je me déclare le très humble fils de Votre Paternité.

Fr. Thomas de Baabdath

MANUSCRIT
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...et, une fois de plus, la bure franciscaine fut teinte du sang des martyrs...
LeonardMelki
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