Récits du martyre | Lettres P. Thomas Saleh
Dans son rapport annuel, rédigé en italien et envoyé à Rome, au Père Général Pacifico de Sejano , le Père Thomas présente son apostolat ainsi que l’attitude hostile des Turcs envers les religieux et les chrétiens, à cause de la guerre dans les Balkans .
Diarbakr, 18 décembre 1912
Révérendissime Père Général
Avec cette lettre, je viens souhaiter à Votre Paternité Révérendissime, premièrement, la sainte fête de Noël et du Nouvel An et, en second lieu, pour vous donner quelques nouvelles de mon ministère.
Que ces fêtes soient donc très heureuses et que l’année dans laquelle nous allons entrer soit bonne et joyeuse encore plus que celle qui vient de finir. L’année qui s’est écoulée a eu ses peines et ses mérites pour chacun de nous et Dieu le sait. Que le Petit Enfant de Bethléem daigne exaucer les prières qui s’élèvent pour vous de tant de cœurs, pour que cette année 1913 soit une année sainte et tranquille. Qu’il vous comble de ses faveurs les plus distinguées sur cette terre, pour notre édification et, qu’après plusieurs années, Il vous donne la couronne des élus.
Vous avez appris beaucoup de choses concernant Diarbakr et cela de la part de nombreux missionnaires et d’autres personnes que vous avez eu l’occasion d’interroger à son sujet. Ici, nous croyons nous trouver à l’extrémité du monde et complètement séparés des autres parties du monde. En effet, les correspondances, en plus d’être rares, sont très difficiles. Combien de lettres perdues ! La poste fonctionne et délivre le courrier chaque semaine, mais avec quelle irrégularité. Si du moins nous pouvons être sûres de nos vies, mais non, spécialement depuis qu’a commencé la guerre italo-turque, les Turcs ont commencé à nous regarder d’un mauvais œil et à parler dans leurs réunions et assemblées qu’il faut en finir avec les européens et les missionnaires, spécialement sachant que le supérieur ici est italien (le R. P. Jean-Baptiste de Castrogiovanni).
De plus, pour une raison ou pour une autre, il nous fallait sortir en ville, alors les Turcs, dans les rues, se mettaient encore plus en fureur et nous injuriaient avec des paroles et nous menaçaient avec des gestes de la main et autres. Mais, grâce à Dieu, jusqu’à maintenant, il ne nous est arrivé aucun mal. Pourtant les esprits ne sont pas encore calmés comme on pourrait le croire en Europe, car la guerre balkanique ne fait qu’accroître leur dédain et leur cruauté envers les chrétiens, puisqu’ils considèrent, à tort, que cette guerre est semblable aux guerres saintes christiano-musulmanes et leurs chefs la présentent ainsi dans leurs prêches.
Pour nous, nous n’avons qu’à nous mettre entre les mains du Dieu miséricordieux qui déploie sa force d’un bout du monde à l’autre et d’une manière bienfaisante régit l’univers [la citation est en latin et prise du Livre de la Sagesse 8:7].
En ce qui me concerne, en ce moment, je continue à m’occuper des choses que le Supérieur de la Mission m’a confiées, c’est-à-dire de diriger le Tiers-Ordre pour les Arabes, qui augmente de jour en jour et prend racines, vu qu’en l’espace d’un an se sont déjà inscrites plus de 70 personnes. En plus d’autres occupations apostoliques, qui ne sont pas peu, je fais la surveillance des enfants de l’école et de leurs leçons. Il faut bien noter que notre ministère consiste principalement à enseigner et à faire le travail de professeur à l’école et cela quasiment du matin jusqu’au soir.
Cette année les enfants ont augmenté : de 110-120 l’année dernière, ils sont arrivés à plus de 140-150. Plus de deux-tiers sont arméniens schismatiques, les autres sont de tous les rites, parmi lesquels quelques juifs. Nous essayons de faire à ces infortunés le bien que nous pouvons. Cependant, selon moi, si nous avions travaillé uniquement dans une vue humaine et non pour l’amour de Dieu, nos peines et nos fatigues sont inutiles et stériles car très peu nombreux sont ceux qui nous restent reconnaissants et qui nous sont attachés après être sortis de l’école !
Pourtant, cette année, il y a eu quelques conversions. Le R. P. Jean-Baptiste est tombé gravement malade, au mois d’octobre. Après quelques jours, il ne donnait quasiment aucun signe de vie. Nous lui avons donné alors les derniers saints sacrements qu’il reçut avec une pleine soumission à la volonté divine. Maintenant, il se trouve presque en parfaite convalescence, mais à bout de forces. Espérons qu’à l’arrivée du printemps, il reprendra sa vigueur première.
Votre fils en Saint François
P. Thomas, missionnaire Capucin
MANUSCRIT
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