Dans son Compte-rendu annuel au P. Général à Rome, P. Léonard rend compte de son apostolat à Ourfa où il est nommé directeur de l’école qui donne des cours de français, arabe, turc, arménien et syriaque. Il exprime sa pitié pour les kurdes qui vont en guerre.
Ourfa, 18 décembre 1912
Revme Père Général
À l’approche du nouvel an, je viens par la présente satisfaire à un devoir filial, c’est-à-dire vous présenter mes vœux avec les plus sincères félicitations.
Je vous offre donc Revme Père mes plus sincères et filiales félicitations et mes vœux pour les saintes fêtes de Noël et du Nouvel an. Que l’année de grâces 1913 vous soit une source de toute grâce et de tout bien et que Dieu vous conserve longuement et vous assiste avec sa puissante grâce.
Depuis déjà un an, je me trouve à Ourfa, et grâce à Dieu, je suis content et je m’occupe du saint ministère de la prédication et de la confession, malgré que ma santé ne s’est pas entièrement rétablie; de plus, je suis chargé de prêcher le carême prochain. Dernièrement, le Supérieur m’a confié l’école, et je me suis mis à la besogne de tout cœur. Nos enfants, catholiques, syriens et arméniens schismatiques, avec quelques turcs, sont actuellement au nombre d’environ 130, sans compter les petits de l’asile.
L’école marche bien, grâce à trois autres religieux qui consacrent eux-aussi leur activité pour la jeunesse. Nous trouvons un peu de difficulté dans les différentes langues que nous devons enseigner: le français, l’arabe, le turc, l’arménien et le syriaque; voilà les langues que nous enseignons dans notre école. À tous, indistinctement et régulièrement, nous expliquons la doctrine chrétienne. C’est notre premier objectif en recevant ces pauvres schismatiques qui se trouvent dans la plus parfaite ignorance de leurs devoirs religieux.
À présent, notre situation, comme celle de tous les chrétiens de ces pays, est assez critique à cause de la guerre1 entre la Turquie et les Etats balkaniques, parce que les Turcs la considèrent comme une guerre de la chrétienté contre les adeptes du prophète. Pourtant, jusqu’aujourd’hui, nous ne pouvons trop nous lamenter, quoiqu’il y ait beaucoup de menaces. De toute façon nous sommes remis entièrement entre les mains de Dieu. Que sa Sainte volonté soit faite.
Beaucoup d’arabes et de kurdes sont partis et partent encore à la guerre. Pauvres gens, ils font pitié à les voir partir comme des brebis à l’abattoir, dépourvus de tout le nécessaire, sans entraînement, et avec tout cela, ils vont en avant avec un courage admirable. Comme ils manquent de tout, même du pain, ils dévastent tout, sèment la terreur et la misère là où ils passent.
Espérons que Dieu mette une fin rapide à tant de misères et qu’il donne la paix et la tranquillité.
Veuillez agréer, Revme Père, mes vœux respectueux et filiaux, en vous priant de vouloir me bénir
Votre très humble fils
Fr. Léonard de Baabdath
Mis.Cap.
1n.d.l.r. : Il s’agit de la première guerre balkanique (octobre 1912 – mai 1913) qui opposa la Ligue balkanique (Serbie, Bulgarie, Grèce, Monténégro) à l’empire ottoman.
MANUSCRIT