1 . Histoire des Centres de formation des postulants
Les Capucins avaient créé deux centres d’études pour la formation des postulants avant l’entrée au noviciat.
— Le premier était à Philippopoli 1 , choisi à cause du nombre important de candidats bulgares et germains. En 1894, il comptait 38 disciples de diverses nations dont sept sont à la dernière étape de leurs études et seront bientôt envoyés au noviciat. Le Centre eut à subir deux rudes épreuves. La première vint des Turcs qui voyaient de mauvais œil l’érection d’une nouvelle école pour les chrétiens. Il y eut des menaces, une garde fut mise aux alentours de la résidence. La deuxième vint quand la ville fut secouée par un terrible tremblement de terre qui rendit la maison inhabitable près d’un an et demi. À la reprise, le 19 mars 1896, tous réintégrèrent pacifiquement leur résidence.
— Le deuxième était à San Stefano, où étaient reçus les Grecs et les Arméniens. En 1895 leur furent joints les Libanais. Avant cette date, les Archives de San Stefano ne signalent qu’un seul candidat de Beyrouth : « Le 24-7-1889 s’est pieusement endormi dans le Seigneur l’excellent jeune Louis Camillièri de Beyrouth (Syrie) étudiant du III Cours, aimé et accepté de tous et remarquable surtout par son progrès à l’école » 2 .
Plus tard, la branche de Philippopoli fut supprimée et tous les candidats furent réunis ensemble à San Stefano.
2 . Arrivée des Baabdathiens
Le premier groupe de cinq postulants Baabdathiens (Youssef, Geries, Fares, Antoine, Pierre) arriva donc au petit séminaire de San Stefano en avril 1895, au milieu de l’année scolaire. Tous furent admis quand même, tenant compte de la bonne préparation qu’ils ont déjà eu à Baabdath. Quatre d’entre eux furent admis à l’année préparatoire, tandis que Fares, mieux préparé que les autres, fut admis à la première année.
Malheureusement, deux d’entre eux, Antoine et Pierre, se sont trouvés mal à l’aise dans cette vocation qu’ils ont peut-être choisis à la hâte et décidèrent de revenir à Baabdath. Les trois autres, Youssef, Geries et Fares continuèrent leurs études jusqu’à la fin.
Ils furent d’abord un peu dépaysés, mais leur commune amitié et le bon accueil de leurs camarades venus comme eux, d’un peu partout, atténua peu à peu leur nostalgie. Ils se mirent courageusement à l’étude.
3 . Cycle des Études
San Stefano exigeait un niveau élevé et une discipline stricte. Qu’on en juge par le programme adopté : Catéchisme – Italien – Français – Latin – Physique – Histoire naturelle – Algèbre – Géométrie – Histoire ancienne – Chant – Sténographie – Calligraphie. Les élèves devaient consacrer deux heures par semaine pour se familiariser avec l’alphabet latin, bulgare, géorgien, grec, russe, turc, et arménien.
Alors que Youssef et Geries passèrent cinq années d’études et une année de noviciat à San Stefano, Fares y passa seulement quatre années d’études et une année de noviciat, puisqu’il a sauté l’année préparatoire.
Pour Youssef et Geries, les six années passées à San Stefano se sont réparties ainsi :
1894-1895 Année préparatoire (rattrapage au milieu de l’année)
1895-1896 1 ère année
1896-1897 2 ème année
1897-1898 3 ème année
1898-1899 4 ème année et fin des études
1899-1900 Une année de noviciat (prise d’habit le 2.7.1899 et profession simple le 2.7.1900)
Pour Fares, les cinq années passées à San Stefano se sont réparties ainsi :
1894-1895 1 ère année (rattrapage au milieu de l’année)
1895-1896 2 ème année
1896-1897 3 ème année
1897-1898 4 ème année et fin des études
1898-1899 Une année de noviciat (prise d’habit et profession simple)
Le rapport du P. Linus de Sterzing dans les Annales de San Stefano, daté de 1899, mentionne :
« Ont pris l’habit avec un grand esprit de ferveur six jeunes étudiants de notre Séminaire Séraphique qui venaient de terminer le cycle des études : Vincent (Fares) Fadel de Baabdath (fr. Bonaventure) ; Gottfreid Daner de Rosenheim (fr. Joannes Evang) ; Otto Haas de Rosenheim (fr. Bernardinus) ; Joseph Cocchini de Smyrne (fr. Hadrianus) ; Joannes Zohrabian d’Erzéroum (fr. Cyrillus) ; Joannes Beheim de Spital (fr. Agnellus) » 3 .
Notons au passage le nom du fr. Cyrille (Jean Zohrabian d’Erzéroum) qui allait accompagner ses confrères libanais pendant sept ans : ordonné prêtre le même jour que le fr. Bonaventure ; missionnaire en Arménie et en Grèce ; sacré évêque des Arméniens d’ Al-Jazira en Syrie ; il mourut saintement à Rome, le 20 septembre 1972. Son procès de béatification est en cours.
En 1899, San Stefano comptait 36 élèves : 15 italiens, 5 autrichiens, 1 bavarois, 6 bulgares, 1 arménien de la Mésopotamie, 5 des Iles Grecs, 3 libanais 4 .
4- Le noviciat à San Stefano
Normalement, le noviciat se faisait au grand séminaire de Boudja. Exceptionnellement, il eut lieu à San Stefano. Après le fr. Bonaventure, Youssef et Geries eurent eux aussi la joie d’entrer au noviciat. Le 2 juillet 1899 ils revêtirent l’habit capucin 5 . Après une sérieuse retraite d’une semaine, ils décidèrent de renoncer à la vie du monde pour s’engager de pied ferme sur la route de la vie consacrée. Selon l’usage du temps, on leur donna un nom nouveau :
— Youssef reçut celui de fr. Léonard, en souvenir de saint Léonard de Port-Maurice, franciscain, célèbre prédicateur et directeur spirituel au XVIIIème siècle.
— Geries reçut celui de fr. Thomas, en souvenir de saint Thomas d’Aquin, dominicain et ami de saint Bonaventure. Peut-être ce nom fut-il inspiré par sa compétence en langue latine et par son profond esprit d’analyse des situations ?
Saint Léonard de Port-Maurice
Le noviciat était complètement séparé de la communauté locale et de l’école. La messe et le repas étaient les seuls exercices qui réunissaient tous les frères de la maison. Le reste était réglé par un programme spécial : office du bréviaire, lecture spirituelle, conférences de formation à la vie religieuse, travaux manuels… à l’exclusion de toute étude scolaire.
Les novices passèrent une année entière de recueillement et de prière, et se familiarisèrent avec la spiritualité franciscaine basée surtout sur la vie fraternelle, dans la pauvreté et près des pauvres, la loyauté absolue envers l’Église et la ferme volonté de conformer leur vie à l’Évangile. Des maîtres de spiritualité les orientèrent dans cette voie tout au long de l’année.
À la fin de leur noviciat, les votes secrets de la communauté furent favorables à leur admission à la première profession qui eut lieu à San Stefano même, le 2 juillet 1900 6 .
Entre temps, le 14 janvier 1900, dans l’église paroissiale de Boudja, le Rme Archevêque avait célébré les Ordinations au cours desquelles furent promus au sous-diaconat : fr. Theophilies de Syra, fr. Fulgentius de Singiduno, fr. Placidus de Singiduno. Et pour la Tonsure et les Ordres mineurs : fr. Bonaventure de Baabdath, fr. Bernardin de Rosenheim, fr. Adrianus de Smyrne, fr. Agnellus de Villaco 7 .
1 Aujourd’hui Plovdiv, seconde ville de Bulgarie.
2 Revue Analecta Ordinis Fratrum Minorum Capuccinorum, 1889, p. 323.
3 Revue Analecta Ordinis Fratrum Minorum Capuccinorum, 1899, p. 50.
4 Archives de San Stefano.
5 Analecta, 1900, p. 51.
6 Ibid.
7 Ibid.