Né en 1899, fils de Daoud Khabbaz, Arménien catholique, il donne un témoignage détaillé sur l’arrestation de Mgr. Maloyan, et son refus de fuir la prison et la mort. Il est l’un des 25 témoins au procès diocésain de Mgr. Ignace Maloyan. Il fut interrogé par Mgr. Joseph Djennandji, évêque de Kamichli des Arméniens catholiques, en 1966.
En 1915, au mois de mai, j’avais seize ans. Je me rappelle qu’un groupe d’Arméniens Catholiques du village de Tell-Armen est venu voir l’Archevêque Maloyan. Ils ont voulu le convaincre de l’emmener sain et sauf à la montagne Sinjar, où il serait en sécurité. Le gouvernement turc avait commencé, dans d’autres villes, à emprisonner les chefs religieux. Il leur répondit : « Nous avons accepté l’habit ecclésiastique pour être à la tête de nos fidèles là où ils sont et nous sommes prêts à exercer nos devoirs envers Notre Seigneur et nos fidèles, s’il le faut jusqu’à la mort ».
En ces jours difficiles, on célébrait les messes et on récitait des prières ferventes au bon Dieu et à la St. Vierge, avec l’assistance de tous les fidèles. Et l’Archevêque Maloyan adressait la parole à ses fidèles, les exhortant à persévérer en la Sainte Foi, et à obéir à l’autorité civile.
En la Fête-Dieu, le 3 juin 1915, les gendarmes ont arrêté notre Archevêque Mgr. Maloyan, ses prêtres, ainsi que les notables de la communauté arménienne catholique, au nombre de quatre cent dix-sept, et les ont mis en prison. Là, les gendarmes ont donné des coups de bastonnade aux plantes des pieds du vénéré archevêque, et ont maltraité ses prêtres et ses fidèles. Après quoi la milice a fait sortir de Mardine tous ces innocents, au nombre de quatre cent dix-sept, attachés avec des chaînes, et ils les ont tous tués.
J’ai entendu le Père Ishac Armalé , Syrien Catholique, dire : « Quand l’Archevêque Maloyan et ses fidèles passèrent devant le couvent S. Ephrem à Mardine, en route pour le lieu du supplice, j’ai entendu le vénéré archevêque dire : “Il nous est un grand honneur de subir la mort des martyrs pour le Christ ; et moi je suis heureux d’être enchaîné pour la Foi, comme mon Saint patron Ignace d’Antioche est allé enchaîné au martyre… Au revoir, chers prêtres et séminaristes” ».
Enfin, je témoigne être allé avec ma mère, en ces jours de souffrances [en 1915] à la prison de Mardine, visiter mon oncle Joseph Assio, emprisonné avec les autres innocents. Il nous dit que le nommé Saïd Batané, moukhtar de la communauté arménienne catholique de Mardine, emprisonné là-bas, avait été frappé et fait souffrir cruellement, de sorte qu’il ne pouvait plus marcher.
En foi de quoi j’appose ma signature.
Kamichli, le 8 mars 1966