Née à Mardine en 1903, elle raconte comment moururent des membres de sa famille, martyrs admirables du Christ et de la chasteté. Elle est l’une des 25 témoins au procès diocésain de Mgr. Ignace Maloyan. Elle fut interrogée par P. Edouard Kurdy, vicaire patriarcal de Damas des Arméniens catholiques, en 1966.
Le 19 mars 1966, à Damas , au Siège du Patriarcat, s’est présentée Mme Zakié, fille de Rizkallah Toumadjian, épouse du feu Ibrahim Garabed, née à Mardine en 1903, pour déposer sur ce qu’elle sait au sujet des supplices que quelques-uns de ses parents et de ses proches ont pâtis, et de leur mort pour l’amour de leur religion chrétienne.
Q. Quelles personnes connaissez-vous parmi celles qui ont été martyrisées durant et après les évènements de 1915 ?
R. Mes oncles maternels : Saïd, Youssef, Karkour et Amsih, tous de la famille Kerko.
Q. Que savez-vous au sujet de Saïd, Youssef et Karkour ?
R. Ces trois se trouvaient dans le convoi des déportations ; lorsque ma mère les a vus, elle courut derrière le convoi et se mit à les appeler. Ils répondirent : « Ma sœur, allez-vous-en, allez-vous-en ; la terre d’ici-bas ne vaut rien, peu après nous aurons la couronne de la gloire ». C’étaient leurs dernières paroles. Celui qui les a tués, s’appelle Hamouda. Après avoir terminé et rentré à Mardine, il entre chez nous et dit à mon père : « Nous nous sommes beaucoup fatigués en tuant ces infidèles, donne-moi à manger ». Ma mère refusa, mais mon père insista et lui dit : « Servez-lui le déjeuner, de grâce...». Et pendant qu’il mangeait, ma mère pleurait ses frères.
Q. Que savez-vous au sujet de Amsih Kerko ?
R. Amsih vivait à Erzeroum comme soldat attaché au service du lieutenant. Lorsque l’ordre de saisir les Arméniens et de les tuer fut donné, le lieutenant lui proposa de devenir musulman. Il refusa en disant : « Je vis et je meurs dans la religion du Christ ». Alors il tira sur lui. Son cousin Fardjo m’a raconté ce fait. Il était soldat comme lui, devint musulman et fut sauvé.
Q. Vous rappelez-vous d’un autre fait qui a eu lieu devant vous ?
R. Oui. Lorsqu’on emmena le premier convoi de femmes, j’ai vu de mes propres yeux, Chameh Khatoun, la femme de Naoum Djenandji, habiller ses filles en robes blanches, leur donnant en main des bougies et marcher avec elles en leur disant : « Après peu, nous serons vêtues par la couronne de gloire ; nous voilà allant aux noces ». Une femme, qui s’appelle Amina, qu’un Kurde avait enlevée du convoi et qui est mort deux mois après, a pu retourner à Mardine et nous a dit que Chameh n’a accepté de mourir qu’après avoir vu de ses propres yeux ses filles tuées.