Femme de Yacoub Ghandoura, âgée de quatre vingt cinq ans, Arménienne catholique, habitant à Bourj-Hammoud (Liban), elle raconte l’entrevue de Mgr. Maloyan en prison, l’épisode de l’Eucharistie aux condamnés et la mort des martyrs parce que chrétiens. Elle est l’un des 25 témoins au procès diocésain de Mgr. Ignace Maloyan. Elle fut interrogé par S. B. le Patriarche Ignace Pierre XVI Batanian des Arméniens catholiques, à Beyrouth , en 1966.
Q. Où étiez-vous pendant les déportations de Mardine et que savez-vous à ce sujet ?
R. J’étais à Mardine, où nous habitions à côté de la maison de la famille de Mgr. Maloyan. Le jour de la Fête-Dieu, on a arrêté Mgr. Maloyan, après la procession, dans l’église, avec les prêtres et on les a emprisonnés. Le lendemain, la mère de Mgr. Maloyan qui s’appelait autant que je me rappelle Faridé, a été le voir à la prison. À son retour, beaucoup de gens, parmi lesquels moi-même, l’ont entourée et lui ont demandé ce qui se passait. Elle a raconté ce qu’elle avait vu et entendu, pleurant amèrement. Mgr. Maloyan lui avait dit :« Aujourd’hui, c’est le jour du Christ. Il nous a invités au ciel, après tant de temps que nous avons été à son service. Allez, jeûnez trois jours comme les gens de Ninive et priez pour que vous puissiez nous rejoindre. Ne pleurez pas, nous allons au ciel ». La pauvre femme pleurait très amèrement en nous racontant cela.
Q. Qu’est-il arrivé ensuite ?
R. Ils ont été une semaine en prison, souffrant de la faim et de la soif. Ils avaient avec eux un nombre important de fidèles aussi. Les gendarmes les ont fait sortir hors de la ville, enchaînés, à un endroit appelé Kalaat Zerzaouan qui est, je crois, sur le chemin de Diarbakr. Là ils les ont torturé énormément. Les personnes qui les accompagnaient comme gardes ou comme bourreaux, rentrés à Mardine, ont raconté qu’une tempête avait eu lieu soudain, et que Mgr. Maloyan avait demandé à ceux qui étaient là pour le torturer de lui donner du pain et d’attendre un peu. Après avoir consacré le pain, il le distribua aux prêtres et aux fidèles ; le ciel s’éclaircit. Mgr. Maloyan dit aux gardes et aux bourreaux : « Vous pouvez faire ce que vous voulez ». Alors ils les ont amenés près d’une citerne. Ils ont commencé à les tuer et les jeter dans la citerne.
Q. Leur a-t-il été proposé de renier leur religion ?
R. Oui. On leur a dit : « Devenez musulmans, et nous vous sauverons ». Ils ont répondu : « Aujourd’hui c’est le jour du Christ. Torturez-nous tant que vous voulez ».
Q. Quelle était l’opinion publique après cette tuerie ? Que croyaient les gens qui avaient survécu ?
R. Les gens croyaient qu’ils étaient morts pour rester Chrétiens. Ils sont morts dans leur Foi pour ne pas renier le Christ.
Q. Avez-vous autre chose à ajouter ?
R. Rien