Né en 1910, fils du témoin Faridé Mengalo, il donne de précieux détails sur le martyre de Mgr. Maloyan, d’après le témoignage du gendarme qui exécuta les condamnés. Il est l’un des 25 témoins au procès diocésain de Mgr. Ignace Maloyan. Il fut interrogé par S. B. le Patriarche Ignace Pierre XVI Batanian des Arméniens catholiques, à Beyrouth, en 1966.
Q. Présentez-vous.
R. Mikhaël Ghandoura , fils de Yacoub et de Faridé, née Mengalo, âgé de cinquante neuf ans, demeurant à Bourj-Hammoud (Liban).
Q. Où étiez-vous pendant les déportations de Mardine, et que savez-vous à ce sujet ?
R. J’étais à Mardine et je n’avais que cinq ans. Toutefois, ce que je sais, je l’ai appris, depuis vingt cinq ans environ, d’un gendarme nommé Cheikh Bacho qui avait accompagné le convoi de Mgr. Maloyan. Celui-ci voulait, en quelque sorte, se justifier et prouver qu’il n’avait pas participé au meurtre de Mgr. Maloyan et de ses compagnons :
« Le convoi, me dit-il, que j’accompagnais moi aussi, avec d’autres gendarmes et des soldats, fut dirigé vers Diarbakr. Arrivés à mi-chemin, après environ quarante cinq kilomètres de Mardine, on arriva à Kalaat Zirzawane qui était une forte montée. Mgr. Maloyan, qui avait, avec ses compagnons, les fers aux mains, aux pieds et au cou, n’en pouvant plus, tomba par terre. Un gendarme lui donna un coup sur le côté en lui disant : “N’auriez-vous pas mieux fait de devenir musulman et de vous sauver de cet état ? Nous vous aurions fait un Imam” ? Mgr. Maloyan le fixe du regard avec dédain et lui dit : “Nous sommes les moutons du Christ, et le rouge que nous portons n’est qu’un signe de notre volonté de verser notre sang pour le Christ”. Mgr. Maloyan a pu se relever. Et ils ont continué la marche, et on est arrivé devant le village de Kalaat Zirzawane.
À ce moment, une nuée accompagnée d’orage a couvert tout le monde de sorte que les soldats, ne voyant plus les déportés, et ne se voyant plus eux-mêmes les uns les autres, se mirent a crier : “Maloyan, Maloyan, que faites-vous” ? Mgr. Maloyan répondit : “Ce fait n’est pas mien, mais vient de Dieu. Donnez-moi du pain et ce fait cessera”. Mgr. Maloyan s’est avancé vers un gendarme qui lui a délié les mains et lui a donné du pain. Soudain, dit le gendarme Cheikh Bacho, nous avons vu tous les déportés à genoux, et Mgr. Maloyan leur distribuant de ce pain. Après avoir donné de ce pain à tous ses compagnons, Mgr. Maloyan dit à ceux qui les accompagnaient comme gardes : “Levez-vous et conduisez-nous là où vous voulez. Nous n’attendons que le moment où nous serons martyrs”. Ils les ont conduits à côté d’un très grand puits, où, après les avoir tués, ils y ont jeté leurs corps ».