Le P. Léonard avait un double souci : vivre sa foi et soutenir celle du peuple.
Vivre sa foi
La foi personnelle s’est traduite par sa vie de prière qui lui assure la force nécessaire pour sa mission, aussi bien parmi les élèves de l’école, que dans l’accompagnement des Tertiaires et des Sœurs. Malgré sa maladie, il continue à réciter l’office divin qui, pour lui, est le bien le plus précieux :
La sainte messe, je la célèbre avec grande difficulté. 1
Sa foi se manifeste héroïquement par son martyre : avec tous les prêtres et les autres prisonniers, il déclare hautement son refus de renier sa foi catholique et exprime son désir de mourir pour le Christ. Quand Mamdouh Bey, le chef du convoi où se trouvait P. Léonard enchaîné, propose aux chrétiens la vie sauve s’ils se convertissent à l’Islam, ils répondent tous d’une seule voix :
Nous sommes entre les mains du gouvernement ; et quant à mourir, nous mourrons pour Jésus-Christ… Traîtres à la patrie ottomane, nous ne l’avons jamais été et nous ne le sommes pas. Mais, devenir traîtres à la religion chrétienne, jamais… Nous mourrons, mais nous mourrons pour Jésus-Christ… 2
Soutenir la foi du peuple
a) Face au prosélytisme protestant
Tel était l’objectif de sa vie missionnaire. Il sera comme ses confrères, un lutteur acharné pour protéger les fidèles et les enfants contre les dangers menaçant leur foi. Aujourd’hui, grâce à l’esprit œcuménique, les relations entre catholiques et protestants sont meilleures. Ce n’était pas le cas au début du XXème siècleJeunes-Turcs, où les deux communautés grignotaient les fidèles de Mardine et cherchaient par tous les moyens, y compris par les appâts de l’argent, de s’attirer de nouveaux adeptes.
Avec son confrère le P. Thomas, il fait face au danger protestant … pour dévoiler leur fausseté et leurs mensonges comme l’exigent la fidélité dans la foi et leur salut éternel. 3
Là réside le secret de leur farouche résistance.
À tous indistinctement et régulièrement, nous expliquons la doctrine chrétienne. C’est notre premier objectif en recevant ces pauvres schismatiques qui se trouvent dans la plus parfaite ignorance de leurs devoirs religieux. 4
b) Face à la maçonnerie des nouveaux dirigeants de La Turquie :
Tous les Capucins ont vu juste dans leur attitude face à la nouvelle Constitution turque. Le P. Thomas de Baabdath écrit :
Les Jeunes-Turcs sont sans religion ou plutôt les vrais francs-maçons de l’Orient… Dans les réunions, on ne parle ordinairement que contre les différentes croyances pour les avilir, les railler, et finalement arracher la dernière étincelle de foi qui leur reste. 5
Le P. Ludovic d’Eurre renchérit :
Les missionnaires n’ont guère à compter sur la nouvelle Constitution ottomane pour la cause catholique. Turcs et chrétiens s’attachent plus fortement que par le passé à leurs erreurs. D’ailleurs, le mouvement provoqué est un mouvement maçonnique et par conséquent rien de bon à attendre de ce côté. Cette prétendue liberté accordée aux chrétiens n’aura pour eux aucun résultat pratique. Plaise à Dieu qu’elle ne leur fasse perdre le peu de foi qu’il leur reste encore. 6
Toute l’activité des missionnaires sera de contrecarrer ce courant.
1 Lettre du P. Léonard au P. Général, Maamouret-el-Aziz, le 23 décembre 1910 , Archives Générales des Capucins à Rome, Fonds H72, Privati 7.
2 Hyacinthe Simon, Mardine la ville héroïque , Maison Naaman pour la culture, Jounieh, Liban, 1991, p. 64-65.
3 Lettre du P. Thomas au P. Général, Mardine, le 12 décembre 1906, Archives Générales des Capucins à Rome, Fonds H72, Privati 89.
4 Lettre du P. Léonard au P. Général, Ourfa, le 18 décembre 1912 , Archives Générales des Capucins à Rome, Fonds H72, Privati 30.
5 Lettre du P. Thomas au P. Général, Kharpout, le 20 décembre 1909, Archives Générales des Capucins à Rome, Fonds H72, Privati 11.
6 Lettre du P. Ludovic d’Eurre au P. Général, Kharpout, le 27 décembre 1909, Archives Générales des Capucins à Rome, Fonds H72, Privati 10.