Né à Mardine en 1895, Arménien catholique, il parle des vertus de Mgr. Maloyan, respecté de tous. Il est l’un des 25 témoins au procès diocésain de Mgr. Ignace Maloyan. Il fut interrogé par Mgr. Antranik Ayvazian, vicaire général de Kamichli des Arméniens catholiques, en 1986. En plus de son témoignage, il a un manuscrit en arabe dans lequel il cite ce qu’il a entendu de la bouche même de ceux qui ont commis les massacres.
1. Je suis né en 1895 à Mardine, de parents arméniens catholiques. Si je n’étais pas Arménien catholique, mes parents ne seraient pas massacrés.
2. Je connais personnellement Mgr. Maloyan. Il est arrivé à Mardine, il a construit des églises et fondé des écoles.
3. J’ai été arrêté quatre fois et quatre fois sauvé, c’est pourquoi je n’ai pas été massacré. Mgr. Maloyan interdisait le parti, et moi j’étais membre d’un parti, « El-Fedaïet », et le président du parti, c’était Antranic Bacha. Ce parti voulait se défendre contre les Turcs en les attaquant.
4. J’étais à Mardine. Mgr. Maloyan est arrivé vers 1910. Mgr. Maloyan est né en 1875, il est mort à quarante ans.
5. En 1914, la guerre commença entre la France et l’Angleterre ou les Alliés, contre les Allemands et les Turcs. En 1915, on a décidé le massacre des Chrétiens. Tout d’abord on a isolé les militaires chrétiens des militaires musulmans. Ainsi, les militaires chrétiens désarmés, rentrés chez eux, ont été massacrés par les Turcs qui les attendaient de tous côtés. Du temps de Mgr. Maloyan, il y avait douze prêtres arméniens catholiques dont les noms se trouvent inscrits chez moi à la maison.
6. Mgr. Maloyan a su que des massacres allaient avoir lieu ; il réunit ses prêtres en secret, et il contacta secrètement les Français. Le 2 juin 1915, les Turcs commencèrent, heure après heure, les massacres. Les Turcs les attachèrent quatre à quatre par des fils de fer, et ils les conduisirent vers minuit au lieu de leur massacre. Ils étaient environ quatre cent quatre vingt personnes. Ils les ont distribués pour les tuer par groupes. Mgr. Maloyan a été conduit avec un groupe au puits dans la colline de Cheikhane . Un Kurde nous a raconté ce qui s’était passé. Puis six cents autres personnes de toutes confessions ont été conduites à la colline de Cheikhane , puis à Diarbakr. Ces derniers ont été sauvés, non massacrés, et les non arméniens reconduits à Mardine. Certains Chrétiens même aidaient les Turcs à détecter les endroits où se trouvaient les Arméniens, certains forcés à dévoiler ces lieux, certains de bon gré.
7. Mgr. Maloyan était très bien vu, les autorités le respectaient et le craignaient. Arrêté avec ses ouailles, tous amenés au lieu de leur martyre, et selon les Kurdes qui en étaient témoins, Mgr. Maloyan et ses ouailles ont été tués par le fusil (on a tiré sur eux). Le dernier à être fusillé fut Mgr. Maloyan. Avant de mourir, il a demandé au chef des Turcs un quart d’heure ou une demi-heure. Puis il pria, il bénit le pain, et le distribua à ses ouailles et dit au chef des massacreurs : « J’ai terminé ». Il avait sept prêtres avec lui. Après les massacres, personne de nous n’osait se rendre au lieu de leur martyre. Ce sont des Kurdes, témoins oculaires, qui nous ont raconté ces faits.
8. Les Kurdes ont vu une lumière sur le lieu de leur martyre, et ceci pendant quelques jours. Un Kurde, Youssef Ali Kangi a dit même que le chef des Turcs qui ont massacré Mgr. Maloyan et ses ouailles a ordonné que Mgr. Maloyan soit enterré avec les autres.
Une famille musulmane de Mardine (famille Kôzi) qui a massacré des Chrétiens de Mardine, hommes, femmes et enfants n’a connu et ne connaît, jusqu’à nos jours, que des malheurs, tandis qu’une autre famille musulmane de Mardine (Nizâm el Dîn) a sauvé des centaines de familles chrétiennes; et jusqu’à nos jours, Dieu a béni cette famille et lui épargne tout malheur.
Et moi j’ai été sauvé avec d’autres, grâce à un certain Rafiq Nizâm el Dîn, qui nous a escortés, pour nous amener sains et saufs jusqu’à Mossoul. Arrivés là, Rafiq Nizâm el Dîn donna ordre à tous les musulmans de nous garder la vie et de ne pas nous massacrer. Il a même menacé les musulmans, si quelqu’un serait tenté de nous tuer. La famille Nizâm el Dîn ne cesse de faire du bien avec les Chrétiens de toutes confessions.
Q. Est-ce que Mgr. Maloyan est mort pour l’Arménie ou bien pour le Christ?
R. Il est mort pour le Christ ; il est mort parce qu’il était Arménien Chrétien.
10. La veille de l’Ascension, Mgr. Maloyan s’est rendu chez Mgr. Tappouni et lui aurait fait ses adieux. Je désire voir Mgr. Maloyan béatifié ; tout le monde même le désire.
11. J’ajoute que Mgr. Maloyan était formidable ; un très bon pasteur, il aidait tout le monde. J’ajoute aussi que des Chrétiens, pour être sauvés, se déguisaient en femmes.